Lucy Lolilove

Lucy est singulièrement élégante. Elle apprit tôt à se mouvoir avec délicatesse et persiste, sans doute par jeu, dans cette habitude. On remarque sans délai sa longue chevelure blonde et ses yeux bleus, véritables fers de lance de son charme tendre. Elle est petite, fine mais agile, et d'une grande pâleur. Il est néanmoins difficile de la présumer fragile tant tout, dans son attitude physique, semble s'opposer à cette idée. Elle se tient avec fermeté, parle sans faillir et n'affecte jamais que peu de trouble.

Elle est souvent habillée d'une courte robe blanche, fendue d'une bande noire en son milieu et ornée de motifs floraux. C'est en fait la vêture traditionnelle des jeunes filles de sa famille. Les collants sombres constituent sa touche personnelle. La paume de ses mains est toujours gantée. Aux pieds, elle affectionne les banales sandales de bois. Elle troquera sa tenue sans hésitation en cas de nécessité, mais s'y sent tout de même liée, et entretient un stock de pièces similaires étonnant.

Le ruban lié dans ses cheveux avec précision est à la fois acte de coquetterie et acte de deuil. Elle se plait à dire qu'il est plus aisé à transporter que le crâne d'un ami, tout en en partageant la symbolique.  

Sans nul doute, le trait de caractère le plus déterminant de Lucy est sa curiosité. Une curiosité visiblement inextinguible et sans cesse renouvelée. On pourrait lui reprocher un manque de sérieux : son esprit bondissant sans cesse de point d'intérêt en point d'intérêt, mais la réalité est autre. Lucy n'agira jamais sans réflexion préalable. Elle vit dans un monde de valeurs et d'idéaux, et celui qu'elle chérit entre tous est la Justice. Néanmoins, son appréciation du juste est très personnelle. Une fois un cours d'action décidé, elle ne le quittera que difficilement, ce qui fait d'elle une personne obstinée. Elle insiste tant qu'elle pense être dans son droit.

La liste des choses qu'elle n'aime pas est très fournie. Première d'entre elles : l'inélégance. Elle réagit violemment à la présence de personnes grossières. Elle pense d'ailleurs que par-delà les mots, la violence est parfois le meilleur moyen de répondre à une situation. Mais elle sait se montrer généreuse sans être naïve, et peut entretenir des amitiés complètement désintéressées. Sous des dehors calmes, elle est au fond passionnée, et est obsédée par la question du sens de sa vie. Elle a un goût manifeste pour l'absurdité de situation, et son sens de l'humour est un garant de son indépendance.

Troisième fille du docteur Jonas Lolilove, Lucy est une personnalité connue au village des humains. Appréciée de tous, elle était également élève assidue, et a noué une relation d'amitié particulière avec Keine Kamishirasawa. Quand cette dernière ouvrit les portes de sa bibliothèque privée à la jeune fille, Lucy y trouva un passe-temps fort approprié. Les soirées qu'elle filait en jeux ou rêveries devenaient maintenant synonymes de lectures appliquées. Et elle lut. Elle lut toutes sortes de choses. Sur les habitudes des oiseaux, sur celles des fleurs. Sur le bruit des vagues et des saisons. Elle lut à propos de la Grande Barrière Hakurei, et comment une miko défia la lune. La plupart des livres conciliaient l'écriture incurvée de Keine, que Lucy apprit à connaître et à copier comme si elle était sienne. Elle nota les irrégularités historiques, la brume entourant l'existence même du village des humains. Elle fit l'hypothèse qu'elles étaient du fait de sa professeur, non par étourderie, mais grâce à quelque chose d'autre, qu'elle ne parvenait à déceler et nomma poésie par commodité.

Absorbée par ses pensées, par les étranges rituels qu'elle pouvait copier à cent reprises, elle se sentit pour la première fois pleine de compréhension. Elle était en phase avec le monde qui l'entourait, et parvenait à le manipuler subtilement. Peu à peu, elle cessait de devenir humaine pour devenir quelque chose d'autre. Personne ne remarquait quoi que ce soit à ce sujet, sans qu'elle eût à dissimuler beaucoup. C'était juste elle et sa poésie. Un dernier soir, elle lut à propos des spellcards, sembla fascinée par ce formidable moyen d'expression. Elle réfléchit longuement et traça, sur plusieurs tablettes, ce qui lui vint à l'esprit. Observant le papier inerte, elle sût qu'il manquait une chose à la réalisation de sa magie : l'approbation d'une miko. Alors, pendant que le soleil tombait, elle ôta ses sandales et quitta le village. Elle n'était pas sans savoir au sujet des cruels yōkai arpentant Gensokyo, mais pensait pouvoir en triompher par la ruse, comme dans les contes. Elle disparut dans les sillons du premier chemin montagneux, à la recherche de Reimu Hakurei.