Tales of Gensokyô
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Retrouvailles au cœur de la forêt

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Retrouvailles au cœur de la forêt  Empty Retrouvailles au cœur de la forêt

Message par Hikaze Nageku Jeu 14 Nov - 1:33

Je restais assise, comme pétrifiée, ma tasse de thé à la main. Choquée ? Non, pas tout à fait. Surprise ? Ça, oui. Shû était bien la dernière personne que j'aurais pensé revoir, ici, chez moi. Elle était plus qu'imprévisible à ce stade. Mais ce qui me maintenait ici, perdue dans mes pensées, n'était pas simplement son arrivée en fanfare. Non, bien au contraire, c'était une simple phrase, qu'elle avait lancée de façon tellement naturelle.

- Bisous, tu sais que je t'aime.

Ces mots résonnaient encore dans ma tête. La connaissant, elle avait très bien pu dire ça par habitude, ou pour m'embêter, comme toujours ... Pourtant, elle n'avait pas l'air de m'en vouloir plus que cela ... J'en suis soulagée. J'avoue m'être emportée sans réaliser ce que j'ai pu dire, il y a une semaine ... Je m'en veux déjà bien assez que ces effusions de ma part ne l'ai faite fuir, et que nous nous sommes retrouvés en froid depuis ... D'accord, ce ne sont que des mots que je ne pense pas, que j'ai dit sous le coup de la colère, mais tout de même, je sais bien à quel point les mots, en particulier de personnes que l'on aime, peuvent blesser et rester ancrés en soi, même si ils sont dit sur un coup de sang. Certes, elle avait été trop curieuse et n'aurait pas du autant insister sur certains détails à propos de moi, mais j'avais tout de même mal agi. Ne pas être triste est avantageux parfois, je n'ose imaginer mon état depuis une semaine si j'en avais été capable. Cependant, ne pas pouvoir ressentir une telle émotion ne m'empêche pas de savoir ce que sont les regrets. Ceux-là, je les ai bien côtoyés ces derniers temps. Enfin, que de détails maintenant. Je n'allais pas la faire attendre plus que ça. Je n'ai même pas vu le temps passer, à cogiter ainsi. Alors que je terminais mon thé, maintenant froid, et donc très déplaisant au passage comme sensation, je me rappelais le plus important.

- On se retrouve dans la grande forêt yôkai !

La grande forêt yôkai hein ... Était-ce un hasard ? L'avait-elle fait exprès ? Elle n'avait pas pu oublier. C'était là que tout avait commencé entre elle et moi. Et maintenant qu'elle revient me voir, une semaine après avoir disparue par ma faute, elle me donne rendez-vous là-bas ? Couplé à son "n'oublie pas que je t'aime", est-ce que je me fais simplement des idées ? Bon, de toute façon, réfléchir ainsi et ne se poser que des hypothèses ne m'aidera en rien. Elle m'a dit de venir tout de suite après tout ... Et qu'a-t-elle ajouté déjà ?

Je ne te dis pas où, ça sera la surprise hihihi ~ Amuse-toi bien à me chercher ma jolie ! Rohlala... Je me demande si c'est vraiment fair-play de me battre contre une petite chose comme toi !

... Ha. Effectivement, elle n'a définitivement pas perdu son côté taquin. Et encore, le mot est faible ...

- Il va falloir que je lui refasse mon éternel rituel après l'avoir remise à sa place ... Cette sale gamine !

... Étrangement, j'avais repris mes habitudes à son égard, naturellement. Mh, peu importe, je me devais de la remettre à sa place, après tout ce temps, je pensais qu'elle allait changer ... Et pourtant, je suis plutôt heureuse à cette idée. Après tout, n'étais-je pas attachée à elle dû à son caractère ? Même si je réagis de façon vive à vouloir lui donner une leçon, cela tient plus du jeu. Un jeu, entre elle et moi. Un jeu qui nous a lié, elle et moi. Un jeu qui perdure, même après tout ce temps ensembles, même après une telle dispute entre nous ... Et de savoir tout cela ravivait cette flamme et cette passion que j'avais perdu ces derniers jours ! Trêve de monologue, il était plus que temps d'enlever ce peignoir et d'aller enfiler un de mes yukatas. Et pas n'importe lequel, bien entendu. Celui que je portais le jour de notre rencontre, n'est-ce pas, "sale gamine" ? Je me rendis compte que je souriais bêtement en pensant à tout ça ... Aucun doute, la revoir était vraiment la seule chose qu'il me fallait pour me remettre d'aplomb ! Même ses provocations à mon égard quant à mes capacités ne pouvaient me déranger à l'heure actuelle, c'est dire.

Une fois entièrement prête, le yukata parfaitement enfilé, ma chevelure brossée comme il se doit, mon nœud fétiche bien en place, mes oreilles plus douces que jamais, et ... Mmmh, j'en fais peut-être trop. me dis-je ... Après tout, elle est venue me trouver pour que l'on se batte, comme auparavant ... Bah, qu'à cela ne tienne ! Comme si elle allait m'effleurer ! Et voilà, parfaitement prête ! Je me mis sans tarder en route pour la forêt. Bien sur, je devais encore la trouver ... Mais bon, ce n'est pas non plus si difficile. Elle n'est pas du genre discrète, et j'ai tout de même des sens très développés. Ce trajet me rappelle tant de souvenirs ... Les fois où j'allais au village des humains pour faire des emplettes, mais surtout tenter de retrouver ce qui m'animait, il y a bien plus longtemps que cela ... Et puis, la rencontre avec cette petite peste, comme je le disais si bien. La vitesse à laquelle j'ai pu m'attacher à elle était fulgurante, car malgré son tempérament qui pouvait m'exaspérer, elle m'avait fait me sentir vivante à nouveau, et avec un but, quelque chose à faire, une personne avec qui discuter, m'extérioriser ... Et puis, je me rendis compte que ce n'était pas que cela que cachait notre relation "amicale" derrière ses combats. Puis le soir où je l'ai hébergée car la pluie frappait sans merci ... Ce fameux soir ... Je pouvais sentir mon visage rougir et la chaleur monter, il valait mieux ne pas repenser à tout cela maintenant. Même si c'était agréable ...
Une fois revenue à la réalité, je pouvais constater que j'étais bien arrivée à la lisière de la grande forêt yôkai. "Déjà" pensais-je ... Je peux sentir mon cœur battre à vive allure, et mes pas chanceler en m'aventurant dans la forêt, à la recherche de Shû ... La forêt est vraiment très vaste, comment pourrais-je la retrouver aussi vite ? "Elle fait vraiment tout pour me casser les pieds ... Cela dit, je ne l'ai pas volé ..."

- Shû ? Shû ! Bon, je reconnais que je n'aurais pas du être aussi dure envers toi la semaine dernière ... Tu peux te montrer s'il-te plait ?

Pas un bruit. C'en est presque effrayant. Si je me concentre, peut-être pourrais-je percevoir un léger bruit, quelque chose, un bruissement d'herbe, quelqu'un bouger dans les arbres ... Absolument rien, aucun son particulier, si ce n'est le vent très léger, les flocons s'écrasant contre les branches, les arbres, le sol ... Ou mes queues virevolter au rythme des sons qui se répercutent autour de moi. Je ne suis pas réputée pour ma patience, et elle le sait. Ho, ça oui, elle le sait ...

- Bon, espèce de sale gosse ! Tu te défiles maintenant que je suis venue sans tarder pour répondre à ta demande de duel ? Ne me dis pas que tu t'es rappelée les anciennes défaites que tu t'es prise contre moi et que tu t'es enfuie en me posant un lapin ? Tu me déçois ! hurlais-je à pleins poumons.

Si avec ça tu ne viens pas dans la minute qui suit, je ne te reconnais plus ma petite ... Tu es toujours prompte à répondre aux provocations, tu ne peux pas t'empêcher de rétorquer ... Surtout quand il s'agit de moi !


Dernière édition par Hikaze Nageku le Ven 23 Mai - 0:13, édité 1 fois
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Message par Shu Hononai Jeu 14 Nov - 22:44

Depuis combien de temps me tiens-je prostrée sur cette branche vacillante ? Les flocons s'amoncellent déjà sur moi comme un mince linceul, et par tous les pores de ma peau s'engouffre l'épine cruelle du givre. Pourtant, malgré la morsure terrible du froid, je ne bouge pas.
C'est mon tout premier hiver au Pays des Illusions ; je ne l'ai pas vu arriver. Il m'a surpris avec fourberie, dans mon dos, sans prévenir. Et moi, stupide, me rend compte seulement maintenant de l'ampleur du piège dans lequel j'ai été prise ... Mais c'est trop tard ! L'armature, taillée dans la glace, de cette souricière impitoyable a déjà refermé ses dents sur moi.
J'essaye de remuer ma jambe droite ; je vois se détacher, sur la blancheur de ma peau, de multiples petites veines palpitantes qui forment comme un réseau violacé au multiple cordage ; à vrai dire, mon corps tout entier est pris dans ce dense filet organique. J'entend le sang battre à mes oreilles au ralenti ; l'hiver est tellement froid qu'il a même réussi à geler le temps.
Je tapote des griffes sur le bois de l'arbre ; comme mes membres inférieurs, mes doigts sont affreusement ankylosés. C'est effrayant, mais je n'ai  même pas l'énergie de m’inquiéter outre mesure.
Le fait est que la saison froide me consume à petit feu. Au sens figuré comme au propre : la flamme au bout de ma queue se fait de jour en jour moins vigoureuse. Du bec en émail de ma bouilloire n'émerge déjà plus l'habituelle fumée noirâtre dont les fumets doucereux ont jusque là embaumé les sous-bois ; à peine crachote-t-elle à présent de petits nuages puant le rance.
C'est comme si d'un coup, je m'étais retrouvée toute nue ; du jour au lendemain, la forêt s'est totalement transformée,,je ne la reconnais plus ; oui, cette forêt dense, ma forêt, mon petit chez-moi avec lequel je commençais tout juste à bien me familiariser. Le gel l'a métamorphosé. Je n'ai plus nulle part où me cacher ; et c'est lorsque le malin se rend compte qu'il ne peut désormais se dissimuler qu'il prend pleinement conscience de sa lâcheté.
Dépendre ainsi du temps me rend malade ; parfois j'ai bien envie d'adresser au ciel un bras d'honneur bien senti, mais tout ce que je peux faire, c'est continuer de courir dans la neige pour éviter les engelures, en devant supporter dans mon dos le regard plein de condescendance grisâtre de la voûte céleste ; si ils sont vraiment des Dieux, les cumulus doivent bien se foutre de ma gueule, tout là-haut.
Impossible de me réfugier dans un des greniers du village des humains ; je ne suis pas la bienvenue là-bas, et même en restant discrète, j'aurais tôt fait de provoquer un incendie malgré moi. Inconcevable également de demander l'asile à qui que ce soit ; je suis un chat après tout. Je préfère crever fière plutôt que de vivre au dépend de quelqu'un. Que ce soit un ennemi, un ami, ou même un amant.
En l’occurrence, une amante.
Je lui avais donné rendez-vous ici, dans la grande forêt yôkai. Peut-être une pressentiment, le genre d'illumination ultime qui vous saisit alors que le corps glisse progressivement dans les abîmes. Ou peut-être juste par caprice inconscient - ce qui aurait été déjà plus mon genre. J'avais envie de croire que, même au bord du gouffre, il me restait encore assez de présence d'esprit pour demeurer fidèle à moi-même. Moi, la gamine, la petite peste platissime, la garce effrontée ; autant de petits surnoms adorablement hargneux que j'affectionne tant.
Cette fois-ci, je me surpasserai ; je donnerai tout, je me consumerai enfin tout entière dans cet effort final ; je jetterai avec joie dans ce brasier mon âme et mon corps, et même mon esprit. Ce serait un véritable incendie, un carnage de flammes, alimenté par le froid de l'hiver, et dont le matériau ne serait autre que mes entrailles.
Jamais je n'avais été aussi excitée par la perspective d'un affrontement ; une sorte d’exhalation masochiste, en somme. La folie des mourants. La possibilité d'un îlot d'Enfer, mais un enfer ô combien réjouissant.

Le soleil n'était rien d'autre qu'une pauvre tâche pâle dont les contours à peine luisants se détachaient sans grand relief sur un fond de ciel uniformément grisâtre. A en juger par la position de ce bien pitoyable disque qui, il y a quelque mois à peine, brillait encore de tous ses feux, il devait être environ 10 heures. Je ne lui avais pas donné d’horaires précises, mais je savais qu'elle n'était pas réellement ce qu'on peut appeler une adepte de la grasse matinée - et surtout, qu'elle m'aimait bien trop pour me faire attendre.
J'adore notre couple. Elle fait tous les efforts du monde pour se persuader que c'est elle la figure forte, la dominante, la chef de meute ; mais même si en combat je m'incline, je sais exactement sur quels fils tirer pour la faire flancher, et le fait de savoir  tout au fond de moi qu'en réalité je suis celle qui mène la danse dans l'intimité m’exhale follement. La meilleure chose du monde est sans doute à chercher dans ces brutaux changements d'expression lorsque je dis un mot de trop ; le regard lourd de ce mépris sensuel avec lequel elle toise les autres se pare alors des délicates couleurs de la gêne - mes préférées. Comment, dans ces moments-là, résister à ce si joli minois, que je suis peut-être la seule à connaître lorsqu'il est emprunt de timidité, de gaucherie ? J'adore ça. Je l'aime affreusement, d'une manière diabolique. Et si je dois m'éteindre, ce sera en sa présence.

Le rideau de givre qui enveloppe la forêt étouffe tous les bruits ; c'est à peine si j'entendis son pas, perdue dans les volutes brumeuses de mon esprit comateux. Je dresse l'oreille et plisse les yeux, le corps très légèrement tendu comme un animal en embuscade ; elle s'approche de son pas souple, aussi à l'aise en geta dans la neige qu'une danseuse Buyō sur tatami. Très bien mise, comme à l'accoutumée ; c'est à peine si son délicat teint d’albâtre est rosi par le froid. Une véritable princesse d'hiver (ou devrais-je plutôt dire, une panthère des neige), avec sa chevelure aux reflets couleur de gel et ses yeux clairs comme les eaux du lac brumeux. Si je ne voulais pas ménager l'effet de surprise, je n'aurais sans doute pas hésité à la siffler comme l'aurais fait le dernier des goujats ; bien qu'il soit absolument inutile de détailler les tortures que je n'hésiterai pas à faire subir au premier qui osera traiter ma jolie compagne avec brusquerie, je dois bien avouer qu'il est très doux de jouir seule du privilège de pouvoir taquiner sa moitié.

- Shû ? Shû ! Bon, je reconnais que je n'aurais pas du être aussi dure envers toi la semaine dernière ... Tu peux te montrer s'il-te plait ?

O, ma jolie, si tu savais. J'ai tout à la fois envie de te gifler et de t'embrasser alors même que tu t'avances sous le couvert des arbres. Je ne suis pas rancunière, ou plutôt, je n'ai pas l'habitude de montrer ouvertement à quel point je le suis.... Sauf peut-être de manière physique. Me battre, c'est ma façon à moi d'extérioriser. Tu ne sais pas ce qui t'attend. C'est l'énergie du désespoir et de la passion qui me consomme de l'intérieur. Je suis peut-être blessée, mais qu'importe après tout ;  le danmaku fait toujours moins mal que les mots. Je ne guérirai sans doute ni des blessures de l'un, ni des souffrances des autres, mais ton pardon est bien mignon !

- Bon, espèce de sale gosse ! Tu te défiles maintenant que je suis venue sans tarder pour répondre à ta demande de duel ? Ne me dis pas que tu t'es rappelée les anciennes défaites que tu t'es prise contre moi et que tu t'es enfuie en me posant un lapin ? Tu me déçois !

Elle est juste en-dessous de mon arbre, la main sur la hanche, dans une attitude de défiance irritée absolument divine. Elle scrute les branches basses qui tendent leurs doigts noueux dans toutes les directions avec l'air courroucé d'une reine dont on aurait mal baisé les pieds. Charmante, vraiment, charmante. Je l'aurais encore longtemps faite mariner, mais le temps presse ; non pas que sa petite provocation ait eu le moindre effet sur moi (je ne suis pas du tout à cela près) mais pourquoi ne pas lui faire croire le contraire ?
Une impulsion électrique parcourt mon corps tout entier et fait tressauter mes membres, qui se sont un peu décrispés. Je bascule, pendue à la branche par les jambes, la tête en bas, me retrouvant nez-à-nez avec mon amazone, les yeux dans les yeux (rubis dans lapi lazulis, saphirs dans pyrops, et vice versa) séparée de son visage par quelques négligeables centimètres.

"Bouh".

Je lui tire la langue, et avant qu'elle n'ait eu le temps de me dire quoique ce soit - les vieilles gens ont la manie des sermons, après tout - je lui dépose un baiser léger sur le front. Je suis encore fâchée, après tout... N'est-ce pas ?
En une pirouette, je suis déjà à terre, juste en face d'elle. Malgré la douleur de la réception sur mes chevilles crispées, je n'esquisse pas l'ombre d'une grimace. Tout va bien ; je sais jouer comme personne. J'ai déjà perdu la face une fois devant elle, une fois de trop. Pour mon dernier combat, je serai parfaite...ment maléfique. Plus garce que jamais !

"Je t'ai manqué, beauté divine ???

Moue niaise, minauderies, battement de cils. Une conduite superficielle pour mieux masquer la sincérité de ma question.

"Parce que moi oui ! Tu es une odieuse vieille peau, mais une très belle vieille peau, huhuhuhu ! J'adore ce kimono."

C'est bien parce que je t'aime que je te provoque, chérie. Dansons-donc encore une dernière fois !!


Dernière édition par Shu Hononai le Sam 16 Nov - 15:11, édité 1 fois
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Retrouvailles au cœur de la forêt  Empty Re: Retrouvailles au cœur de la forêt

Message par Hikaze Nageku Ven 15 Nov - 0:26

Les résultats à l'encontre de ma dernière réplique furent encore plus concluants que prévu, de ce que je peux constater. Un visage plus que familier apparu à quelques centimètres du mien, et des yeux d'une telle couleur -un rouge scintillant tel un rubis- ne pouvaient appartenir à personne d'autre qu'elle.

- Bouh.

Et ça joue à la maline hein ... songeais-je, presque à haute voix. Malgré tout, je ne pu retenir un grand soupir de soulagement, du fait de la revoir ...

- Phew ...

Qui sait ce qui aurait pu arriver après tout ? Je me rappelle le premier jour où je l'ai invitée chez moi à cause de la pluie ... Même si elle masquait sa gratitude et son soulagement d'éviter la pluie grâce à un abri sur, je pouvais lire en elle ce sentiment d'apaisement. Les températures trop froides, ou les climats bien trop humides, peuvent lui être fatals ... Et je le sais bien. D'ailleurs, je me demande ce qui m'empêchait de la sermonner à ce sujet. Le froid ici est digne d'un hiver bien rude, que lui a-t-il pris de me donner rendez-vous en plein cœur d'une forêt, sans précisions ? Elle n'aurait pas pu simplement rester chez moi, dans le salon, à l'abri ? Plutôt que de risquer que je ne vienne pas ... Non, non, elle savait très bien, à ce moment-là, que j'allais venir le plus vite possible. Si je pouvais me vanter de lire au travers de ses paroles, elle aussi. Et certainement mieux que moi ... Quoique ? Je ne dois pas être la plus facile à cerner en ce monde ... A part sur les sentiments amoureux, peut-être ? Toujours est-il que, ce qui m'empêche de la gronder et lui faire la morale à l'heure actuelle, c'est assurément le baiser qu'elle déposa sur mon front avant de faire une pirouette et d’atterrir un peu plus loin. Et aussi de constater qu'elle était vivante et en forme ... Ou presque. C'est bien beau de faire semblant d'aller bien avec des acrobaties, mais tu ne peux pas tout me cacher. pensais-je avant qu'elle ne m'interrompe dans mes réflexions ...

- Je t'ai manquée, beauté divine ? Parce que moi oui ! Tu es une odieuse vieille peau, mais une très belle vieille peau, huhuhuhu ! J'adore ce kimono.

- Et tu daignes poser la question. Des compliments aussi francs maintenant ? Je m'attendais plus à divers reproches, ou alors tu cherches simplement à détourner les choses ? Je sais que j'ai mes torts sur ça ...

Je ne pouvais m'empêcher de ne pas la prendre au sérieux. Et puis, quelle importance ? Bien sûr qu'elle m'a manquée. Ce serait comme demander à un enfant de trois ans si sa mère lui a manqué après l'avoir perdue de vue pendant une semaine. Une interminable semaine. Mais plus la peine d'y repenser maintenant ... Tout cela mis au clair dans ma tête, mon regard empli d'inquiétude la scruta avec attention. Cheveux complètement en désordre, je sais bien qu'elle ne prend pas autant soin d'elle que je ne le fais pour moi, mais tout de même. Elle est extrêmement fière de sa chevelure habituellement, ce n'est donc pas normal. Ses yeux brûlaient, c'est le cas de le dire, d'une envie de se dégourdir, de se battre ... De rancune envers moi ? Certainement. Et d'autre chose probablement ... Toujours à esquisser son petit sourire narquois, provocateur, mais ne te forcerais-tu pas un peu cette fois ? Je sais que les combats te font bouillir le sang, te donnent une raison de te déchainer, mais en es-tu capable ? Ses vêtement sont dans un tel état, je me demande ce qui a pu lui arriver. Je sais très bien qu'elle n'est pas du tout du genre à prendre soin de ses vêtements, mais à ce point-là, on dirait des haillons ... J'ouvris grand les yeux lorsque je m'en rendis compte, et cela ne du pas passer inaperçu auprès d'elle ... Non pas que j'aie une quelconque honte à lui montrer que je m'inquiète pour elle, mais j'aurais peur de la blesser dans sa fierté. Nous sommes pareilles sur ce trait de caractère : ne jamais montrer une quelconque faiblesse, physique ou morale, envers personne. Surtout pas l'une envers l'autre. Enfin, je pense qu'elle devait même être encore plus sensible que moi sur ce point ... Trop tard de tout façon ... Cependant, l'état de ses vêtements pouvait attendre. Sa queue, qui habituellement se balançait joyeusement, voire très rapidement lorsqu'elle voulait se battre, se retrouve à l'heure actuelle pendue vers le bas, et la flamme au bout de cette dernière semble épuisée. En temps normal, je ne m'inquièterai pas de cela, mais pour elle, si sa flamme vient à s'éteindre ... Ce n'est pas que cette flamme qui disparait, mais ... Je me mis à secouer la tête vivement de gauche à droite en fermant les yeux.

- T'es complètement inconsciente ?! Folle ? TU VEUX MOURIR OU QUOI ? Et en plus, comble de la chose, tu veux me faire croire que tout va bien à faire des pirouettes et à me parler comme si de rien n'était ? Imbécile !

Je me mis à taper du pied de toutes mes forces, en resserrant mes poings et en serrant les dents. La neige s'envola, se dispersa, virevolta dans tous les sens. Il m'en était arrivé sur le visage, les cheveux, qui commençaient à se décoiffer, et le froid s'instaurait doucement mais surement dans mes pieds à cause de cela. Comme si j'en avais quelque chose à faire, d'un détail aussi futile !! hurlais-je intérieurement. Décoiffée, en train d'attraper froid, perdant ma grâce et mon charme habituel ? Au diable les apparences ! Qu'elles brûlent, ça nous réchauffera ! A quoi ça sert, d'être belle et bien habillée, si celle qu'on aime n'est plus là pour nous voir ? Pour partager de tels moments avec elle ? Elle pense que je me fais belle parce que j'aime ça ? Je suis certes fière de mon physique, mais si je me mets autant en valeur, c'est pour elle. Je sais bien que je lui plais. Je le sais depuis longtemps. Physiquement ... Et moralement, mais probablement moins moralement. C'est ma faute si elle en est arrivée là de toute façon. Savoir qu'elle aurait pu mourir, disparaitre, comme ça, suite à une telle dispute, je n'ai plus une once de sang-froid en moi, et c'est tant mieux, ça me réchauffera. Je pense qu'en temps normal, n'importe qui d'autre serait triste. Peut-être même en train de pleurer ? C'est fort probable, mais moi, je ne sais pas faire ça, je ne peux pas, pour être correcte. C'est handicapant dans de telles conditions. A la place, je m'énerve, je m'emporte, parce que je suis perdue. Elle aurait pu mourir. Je n'arrête pas d'avoir cette image en tête. Moi, seule. Tout aurait explosé autour de moi. Littéralement. Je tombe à genoux, lentement. Le froid s'engouffre au travers de mon kimono, ce si beau kimono qu'elle aime tant. A quoi pourrait-il servir sans elle, hein ? En relevant la tête, je pouvais voir ses jambes trembler légèrement. Elle pleurait ? Ou elle ne pouvait plus tenir dessus ? Je devrais me ressaisir, et l'emmener chez moi à nouveau. Elle ne doit pas rester ici une minute de plus, c'est trop risqué pour elle. Je me remis instantanément debout en tapotant mes jambes et mon crâne pour enlever le plus de neige possible.

- Tu voulais te battre hein ? Hé bien ça attendra, même si l'envie de t'en mettre une ne me manque pas je dois bien avouer ... T'es ... Non, laisse tomber, et viens maintenant.

Pas la peine de l'enguirlander. Elle est mal en point, et c'est ma faute à la base. Je peux faire énormément de choses, mais pas empêcher ce flot de regrets s'emparer de moi. Si j'avais eu le calme nécessaire ce jour-là, on en serait pas arrivé là ... Je suis debout, bien droite, les yeux emplis d'un sentiment que je caractériserai le plus proche de la tristesse. Serais-je un jour capable de ressentir cela à nouveau ? Les larmes couler le long de mes joues ? Qui sait ... Mais grâce à elle, j'ai l'impression que tout est possible. Je dois être en train de lui donner un beau spectacle à l'heure actuelle : en train de tirer un tête d'enterrement, à la regarder, même pas dans les yeux, je n'en avais pas la force. J'espère juste qu'elle ne va pas m'en vouloir de nouveau d'avoir agi comme ça. Je suis juste inquiète. Inquiète à en mourir. Une semaine sans la revoir, et quand on peut enfin se retrouver, et discuter, je la retrouve dans cet état ... Je tiens à elle. Oui, ça a beau être "une sale peste, une vraie chieuse, une calamité sur pattes" et autres quand je la gronde, elle est unique. Qu'importe ce qui peut arriver, je veux juste la ramener saine et sauve chez moi pour qu'elle aille mieux. J'ai l'impression que le temps s'est figé. Ou bien je pense à la vitesse de la lumière, et mon cœur est sur le point d'exploser ...

- Alors ... Tu viens ?

Plus besoin de hausser le ton maintenant, je ne veux pas en rajouter, j'en ai déjà trop fait et trop dit. J'ai bien cru que ces derniers mots ne sortiraient pas, d'ailleurs.  Je lui tends la main en baissant la tête, ayant trop peur d'une réponse négative de sa part ...
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Retrouvailles au cœur de la forêt  Empty Re: Retrouvailles au cœur de la forêt

Message par Shu Hononai Mer 20 Nov - 22:27

Nous nous faisons face-à-face. Est-ce la fatigue ? Je ne saurais dire si elle bluffe, moi qui suis pourtant habile à déchiffrer par en dessous toutes les quintes, même les plus adroite - exactement comme ces Narcisses qui, lorsqu'ils se penchent au-dessus des eaux, savent y déceler le moindre éclat de beauté, fut-il profondément noyé... L'issue de la partie est brumeuse comme la surface du Styx, et pourtant !... Mon âme est taillée dans la même glaise que celle des parieurs compulsifs. Plus je mise gros, et plus le duel me semble intense ; il n'y a rien de plus galvanisant, de plus jubilatoire, que la perspective de la déchéance. Je pense que l'on ne devient pas dépendant du jeu, mais de la défaite. Ceci n'est cependant que mon humble opinion.

- Et tu daignes poser la question. Des compliments aussi francs maintenant ? Je m'attendais plus à divers reproches, ou alors tu cherches simplement à détourner les choses ?

Elle a dit cela sans jamais cesser de me regarder. Je le sais, car je me suis fais violence pour ne pas cligner des yeux, afin de surprendre ne serait-ce qu'un tout petit signe de faiblesse, un innocent battement de cil, un infime tressautement de la prunelle, ou même un minuscule nuage un peu flou dans le bleu de ses iris, n'importe quoi qui aurait pu la trahir... mais rien. Diantre ! Toute cette comédie en serait presque déstabilisante. Mais je suis loin d'être la première actrice venue.

- Je sais que j'ai mes torts sur ça ...
Une chaleur étrange me parcourt l'échine, de celles qui brûlent à force d'être trop glaciales. Ma reine est entre pic et cœur, et je suis fascinée par ce balancement irrégulier qui s'opère, là, juste sous mes yeux. J'ai souvent eu l'occasion d'observer à quel point les puissants comme elle ont, malgré leur condition supérieure, d'énormes problèmes dont l'heureuse plèbe ne souffre pas ; ils ne trouvent en effet jamais totalement leur place au sein de notre univers  -ce dernier refusant opiniâtrement de s'agencer pour eux. Hikaze est un rouage finement ouvragé, bien trop brillant, bien trop somptueux, pour l'universelle horloge qui continue inlassablement ses tours de cadrans. Tantôt midi, tantôt minuit, il semble que le moindre grain de poussière pourrait abîmer à jamais l'engrenage de son existence.
Cette fragilité secrète est absolument charmante.

- Tu me grondes parce que je te fais des compliments. Si tu veux que je t'insulte pour te punir de tes torts...
Je ne finis pas ma phrase. A elle d'imaginer la suite.

- ... Tu es un petit peu masochiste dans le fond, ma grande !

Je rigole intérieurement. Qui, au juste, se flagelle consciemment depuis le début de l'hiver ? J'ai du mal à réprimer un éclat de rire en repensant à ma dernière réplique, qui réussit l'exploit d'être à la fois bête et lourde de sens. Les bakeneko sont ainsi faits, après tout : ils tirent leurs pouvoirs de la souffrance des hommes en jouant avec leur plus grande hantise -la mort- , et ne sont jamais plus puissants que lorsqu'ils brûlent.. Je ne suis pas simplement familiarisé avec la douleur , non ; cette dernière est tout simplement devenue, au fils des années, l'une de mes meilleures potes.
En somme, j'ai été condamnée dès le début de ma vie - ou plutôt, le commencement de ma mort, à la damnation.

Avec une seule œillade, elle m'embrasse toute entière ; la façon dont elle s'exprime par le corps est aussi fascinante que bouleversante. En cet instant précis, je suis tellement absorbée par la contemplation des deux pierres azurées avec lesquelles elle toise le monde, que je ne fais guère attention à leur éclat flamboyant.

- T'es complètement inconsciente ?! Folle ?

Brutal retour à la réalité. Je me sens comme une noyée que l'on aurait soudainement jeté sur la rive sans aucun ménagement. En l’occurrence, une rive non de sable mais de givre, et dont les grains qui la composent sont autant d'épines mortelles pour moi.

-  TU VEUX MOURIR OU QUOI ?

Et tout d'un coup, je n'en suis plus si sûre. Est-ce que je veux mourir ? La réponse est évidente. Pourtant, n'était-ce pas ce que je souhaitais ardemment il y a à peine quelques minutes ? J’espérais un trépas spectaculaire comme on en réserve aux acteurs des régicides, j’espérais un écartement flamboyant sous forme de feu d'artifice. Et bien alors ?

- Et en plus, comble de la chose, tu veux me faire croire que tout va bien à faire des pirouettes et à me parler comme si de rien n'était ?

D'habitude je me gausse des coups de sang (rares, mais spectaculaires !) de ma douce amante ; le contraste entre son visage dur et ses mouvements toujours aussi délicats est tellement saisissant que je ne peux jamais m'empêcher de rire. Mais cette fois, c'est différent. Il y a un je ne sais quoi d’implacable dans ses gestes qui me rend toute chose.

- Imbécile !

C'est évident, mais je refuse de l'admettre. Je passe ma vie à me cacher, même de mes sentiments. L'hiver, en me volant ma forteresse de nature, aurait-il également fait tomber mes barrières mentales ? Je ne suis même plus maître dans ma propre tête ; ce n'est pourtant pas si dur, en général, de contrôler ce que je ressens.
Je refuse d'admettre que j'ai peur.

Mon regard est planté dans le sien, et pourtant je n'arrive pas à le saisir ; l'écume de ses iris coule entre mes doigts que je serre inutilement.  C'est comme si nous étions séparées par un rideau d'écume aussi épais que du verre. Je suis tellement frustrée de me sentir si loin d'elle alors que nous ne sommes séparées l'une de l'autre que de quelques négligeables centimètres !!... Même si je disais quelque chose, j'ai le sentiment qu'elle ne l'entendrait pas, à cause de ce mur aussi tenu qu'une océan entier. Aussi, pour une fois, je ne réplique rien, et me contente de mordre ma lèvre un peu plus fort. Sur ma langue s'écoule soudainement un étrange flot d'écume amère... Ah, merde !
D'un coup, elle tombe à genou dans la neige, comme ça, et le bruit sourd de sa chute sonne à mes oreilles comme le grincement cristallin d'une guillotine qui s’abattrait en songe.
Qu'est-ce que tu fais par terre ? Cette apparition soudaine de la soumission m'est insupportable. Je t'interdis de te rendre par toi-même. Je veux être la seule capable de te pousser dans tes derniers retranchements. Je veux être l'unique être au monde en mesure de tenir ta faiblesse au creux des paumes. Tu entends ce que je te dis ? Les souveraines ne s'agenouillent pas, non ; c'est l'univers entier qui se jette à leurs pieds, et avec enthousiasme.

Tout cela j'aimerais bien le lui dire, mais les mots s'emmêlent au fond de ma gorge en une informe bouillie littérale ; une véritable boule de poil textuelle que Cheshire lui-même (cher collègue !) n'aurait sans doute pas renié. Maintes fois au cours de ma vie (devrais-je plutôt dire mort ?) j'ai eu l'occasion de me sentir minable, mais jamais au point de perdre le fils logique de mes pensées, toujours soigneusement déroulées avec la minutie quasi scientifique du chef d'orchestre. J'ai l'impression de m'être prise une gifle simultanée de la part de chacun des paramètres de mon existence.
Qu'est-ce qu'il fait froid !

- Tu voulais te battre hein ?

-Oulala, chaque chose en son temps ma jolie, je suis déjà en plein affrontement , annonais-je avec un faible sourire, de ceux qu'on fait par en-dedans faute d'avoir même assez de force pour commander ne serait-ce qu'un tressautement de la mâchoire.
C'est une réponse bizarre, qui ne me ressemble pas - et le fait qu'il me reste tout juste assez de conscience pour m'en rendre compte est sans doute le plus triste, dans toute cette affaire.

- Hé bien ça attendra, même si l'envie de t'en mettre une ne me manque pas je dois bien avouer ...
J'ai l'impression que l'on m'enfonce lentement des milliers et des milliers de lames effilées par le froid à travers le corps ; je sentirais presque leur mouvement terrible de va et vient qui tisse entre mes nerfs et la surface de ma peau l'étoffe somptueuse de la souffrance . La mort me tricote elle-même un linceul juste sous le nez de ma chère ; gonflée, quand même, la faucheuse. Même moi, je ne serais peut-être pas allée jusque-là... Conneries,  j'aurais fais mille fois pire !

Je souris, vraiment cette fois, en montrant mes dents.

"Sauve-moi."
Il faut qu'elle ait entendu mon ordre, mais je me prend à souhaiter que ma requête ait été avalée par l’atmosphère hivernale - que je sais très gourmande lorsque' il s'agit de dévorer ce qui est important.

Reniflement très distingué. J'ai déjà bien assez de mal à soutenir le poids des flocons de neige qui semblent chacun exercer sur mes épaules une pression gigantesque, pas besoin en plus de caler  au sommet de ce pauvre château de carte vacillant un silence écrasant. Le poker peut parfois peser très lourds, quand on y réfléchit.

" En fait je m'en fous, mais je crois que je vais mourir, tu v..
- T'es ... Non, laisse tomber, et viens maintenant.

Je crois qu'elle ne m'a pas entendu ; elle a jeté au hasard une bouée au milieu de l'océan, sans même apercevoir ne serait-ce qu'une mèche du noyé. Je n'aurais jamais pensé qu'une seule personne puisse concentrer tant de perfection. De perfection infernale, bien entendu. Je n'aime que ce qui est démoniaque. Même à l'article de la mort, elle continue à me provoquer, la vieille garce ! Hé, c'est toi la méchante, dans toute cette histoire, non ? Je ne suis qu'une pauvre petite chose malmenée par les aléas de la météo et les caprices de sa caractérielle compagne. J'ai bien mérité une belle fin, non ? S'éteindre yeux dans les yeux, le regard planté comme un flambeau dans le bleu des iris de mon aimée, consumée par la passion même, la chair élevée à l'état supérieur de combustible ; tout ceci est ma propre conception de l'apothéose.
Mais non, elle ne me voit pas. Ses prunelles fuient les miennes. Impossible de crever dignement dans ces conditions ; toutes les clauses de mon propre contrat funeste, que je me suis par ailleurs bien emmerdée à rédiger avec mon propre sang, ne sont même pas remplies. Et bien alors ?

"  Alors ... Tu viens ? "
Elle me tend son incroyable main pâle de saccro-sainte courtisane, les doigts un peu replié sur eux-même, presque noués sur le vide.

- Non.

Sourire.

- Il faut que tu me portes, je ne peux pas marcher.

Bof, je m'endormirai une autre fois, après tout.

- Et alors... Je suis quoi, exactement ?

Je me définis moi-même souvent comme une véritable petite catin, mais je doute que ce soit ce qualificatif en particulier qui lui soit venu à l'esprit à ce moment-là. A moins que ?...
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Message par Hikaze Nageku Jeu 21 Nov - 1:32

- Non.

... Pourquoi cela ne m'étonne-t-il pas ? Je l'avais senti arriver. J'en étais sûre à 99% qu'elle allait répondre par la négative. Mes oreilles se couchaient lorsque la réponse arriva. Je fixe le sol, les yeux écarquillés. J'avais vraiment ravagé cette si belle neige tout à l'heure ... Ma main restait quant à elle tendue en sa direction, et alors que je commençais à la retirer ...

- Il faut que tu me portes, je ne peux pas marcher.

Instantanément, mes oreilles se redressèrent et se tournèrent dans sa direction. Je me mis à esquisser un sourire biaisé, ne sachant vraiment comment réagir. Elle avait encore la force de plaisanter de cette façon, alors qu'elle ne peut même plus marcher ? Elle est vraiment ...

- Et alors... Je suis quoi, exactement ?

Alors que je relevais ma tête pour la regarder dans les yeux et lui annoncer, je vis qu'elle commençait à s'effondrer. Son corps demandait grâce. D'une impulsion vive et précise, j'arrive juste devant elle pour l'attraper dans mes bras avant qu'elle ne touche le sol. Je me permis d'expirer un grand soulagement, avant de constater que sa queue n'allait toucher le sol recouvert de neige, plus précisément, la flamme sur sa queue. Mes jambes me servant d'appui pour ne pas qu'elle tombe et mes bras étant occupés pour maintenir son corps contre le mien, je n'ai d'autre choix que d'utiliser deux de mes propres queues pour sauver in-extremis la sienne. Nouveau soupir de soulagement. Cette fois, je l'ai dans mes bras, plus rien ne peut lui arriver ... Ou peut-être un chaud et froid. Force était de constater que, dans ma précipitation, sa tête s'était retrouvée plongée dans ma poitrine. Je restais là, à contempler l'absurdité de la scène, rougissant de honte et de maladresse. Au moins, elle commençait à reprendre des couleurs. Ce n'est pas plus mal. Est-ce parce qu'elle se rend compte de l'endroit où son visage se trouve, et cela la gênerait-il ? Non, impossible. Non pas qu'elle se rende compte qu'elle se trouve en cet endroit précis, mais qu'elle soit gênée pour cela. Il n'y a que moi que cette situation peut gêner. Impressionnant, n'est-il pas, pour quelqu'un avec un caractère pareil quant à son corps ! me surpris-je à penser. Me secouant la tête vivement de droite à gauche pour passer à autre chose, je libère la pauvre Shû qui allait peut-être finir par étouffer ... Et, pour éviter de croiser son regard après une telle situation, je la fis basculer afin de mettre un de mes bras autour de ses épaules, et l'autre sous ses genoux, en faisant bien attention à ce que sa queue se retrouve sur son ventre, pour ne pas qu'elle traine dans la neige le temps du trajet. Je garde ma tête bien droite, et je ne baisse en aucun cas les yeux, de peur de croiser son regard, encore une fois. Il était plus que temps de se mettre en marche. Malgré tout, je ne pouvais m'empêcher de repenser à ce qui venait de se passer à l'instant même ... Il faut que je trouve quelque chose à dire pour ne pas qu'elle m'en parle, vite, quelque chose ! Je sais, elle m'avait posé une question avant de s'effondrer !

- Hummmm ... Tu es encore consciente ... ? Tu me demandais ce que tu es exactement, tu te rappelles ? Tu es ... Irrécupérable. Ou presque, sinon nous n'en serions pas là. Tu es inconsciente peut-être, je ne sais pas ... Tu réalises que tu serais morte si je ne t'avais pas crié dessus ? Tu voulais vraiment te battre et mourir sans discuter, sans réfléchir ? Ne me refais plus jamais ça ...

Même si je lui posais la question, j'avais déjà eu ma réponse. Bien sûr qu'elle savait qu'elle allait y passer. J'ai fait la sourde oreille à toutes ses remarques précédentes, parce qu'il était inutile de s'y attarder à ce moment. Mais encore maintenant, ses phrases résonnent dans mon crâne.

- Tu me grondes parce que je te fais des compliments. Si tu veux que je t'insulte pour te punir de tes torts ... Tu es un petit peu masochiste dans le fond, ma grande !

Moi, masochiste ? C'est l'hôpital qui se fout de la charité ! fulminais-je intérieurement. Et puis oui, si ça pouvait lui éviter de se faire du mal comme ça et de se retrouver à l'article de la mort, je préfère encore qu'elle m'insulte de tous les noms ! La question ne se pose même pas ... Bien sûr que ses compliments me touchent. Mais à ce moment-là, je pensais plutôt qu'elle cherchait à détourner mon attention, embellir les choses, pour ne pas que je voie la réalité en face. Oui, j'aurais préféré me faire traiter d'amante indigne, de garce, et autre termes peu agréables, que de la retrouver une semaine après comme ça. Certainement. Si je ne lui disais pas maintenant, c'est tout simplement parce que je ne souhaite pas ramener ce sujet sur le tapis. C'est fini maintenant. Enfin ...

- Oulala, chaque chose en son temps ma jolie, je suis déjà en plein affrontement.

Des questions sur ta propre existence c'est ça ? Des regrets, trop de choses que tu ne comprends pas ? Je me reconnais bien en elle, quand j'avais son âge. Nous avons beau être supérieures aux humains, que cela soit physiquement ou sur notre force et nos pouvoirs, notre existence, elle, est quelque chose que nous ne comprenons pas forcément. Bien sûr, certains ne se préoccupent pas de ces questions qu'ils qualifient de futiles, mais d'autres, comme nous, si. Et cela mène à beaucoup de complications lorsque l'on se perd dans ce flot de pensées. Elle était en plein affrontement avec elle-même. Peut-être à se demander  ce qui lui avait pris d'en arriver là. Peut-être était-elle trop désespérée, et pensait-elle que seule la mort offrait toutes les réponses ? Ou était-ce sa manière de me faire comprendre l'intensité de mes erreurs pour la semaine passée ? Impossible de savoir, je ne peux pas être dans sa tête.

- Sauve-moi.

Tu l'avais dit en souriant. Je suis certaine que tu dois te détester d'avoir appelé à l'aide aussi ouvertement. Et je parie les yeux fermés que tu as souhaité instantanément après avoir prononcé ces mots que je ne les entende pas. Pas la peine de le lui demander, pour cela, je la connais mieux que n'importe qui. En fait, je la connais comme si je l'avais faite, pour beaucoup de choses. Malgré tout, une chose est claire. Pour qu'elle ait demandé que je la "sauve" aussi ouvertement, elle devait vraiment être au bord du gouffre, physiquement ET moralement. "Plutôt mourir que de perdre la face devant toi" n'est-ce pas ? Je sais ce que peut faire faire la fierté, mais je connais aussi ses limites. Et je sais à quel point l'on se sent blessé et humilié lorsque l'on reconnait qu'il faut s'arrêter, et que l'on montre à l'autre ses faiblesses et son vrai visage. C'est pour cette raison que je ne reparlerais pas de tout cela. Je ferais celle qui n'a rien entendu. Même si lui mentir ne sera pas facile : je suis probablement la plus nulle des menteuses.

- En fait je m'en fous, mais je crois que je vais mourir, tu v..

Oui, ça, je l'ai vu très clairement quand je t'ai examinée et que j'ai constaté dans quel état tu étais. Mais de voir que tu l'admettais, j'avais compris. Enfin, "compris" ... Les grosses lignes bien sûr. Le retour à la réalité. Il n'est jamais doux, celui-là. Je dois même admettre que c'est une des choses les plus dures qui peut arriver dans une vie, même pour nous. Quand tu as compris ce que ta fierté, et je ne sais quelles autres stupides choses, t'a poussée à vouloir te battre contre moi de façon à en mourir, tu as regretté d'en être arrivée là. Je n'ai jamais eu l'intention de venir pour me battre contre toi, peu importe l'état dans lequel tu aurais été. Mais lorsque j'ai constaté ta condition, j'ai perdu mon calme. J'ai eu des propos vraiment vifs et acérés, mais j'avais peur que tu ne sois vraiment décidée à te donner la mort ici-même ... Que les divinités soient louées, tu es revenue à la raison. Et même si tu avais voulu m'attaquer, tu n'aurais à peine pu donner un seul coup. Je n'aurais eu qu'à te prendre dans mes bras et à te dire de rester calme. Mais qui sait, peut-être que ce mouvement de désespoir t'aurait été fatal ? ... Non, pas la peine d'y penser. Tout allait bien maintenant. Et avoir une Shû calme dans mes bras, c'est une première pour moi. Je pense que je n'aurais pas cette occasion une seconde fois dans ma vie ! Mais, si un moment est unique, ne dit-on pas que meilleur en sera le souvenir ? Je souris, bêtement. J'ai pu la sauver et la raisonner. Et oui, ceci est une raison suffisante d'être heureuse. Je ne la laisserai plus s'en aller de cette manière. Je surveillerai mes paroles et mes impulsions à son égard. Cette expérience est largement suffisante pour m'assurer une chose : exister sans elle à mes côtés rend la vie vraiment très fade. Sans intérêts même.
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Message par Shu Hononai Jeu 22 Mai - 23:15

Un corps vivant peut dégager un telle chaleur. Je trouve cela absolument fascinant. Je visualise presque les iridescentes écarlates ondoyer joliment derrière ses prunelles d'une transparence de cristal, parant ses iris d'inhabituels reflets ardents. Je me demande par quels procédés biologiques la chair et les os peuvent-ils résister à la puissance de ce feu naturel. Où prend-t'il  source, depuis quel endroit des entrailles le foyer crépite-t'il, et de quel genre d'énergie la flamme impétueuse se nourrit-elle ?  Franchement, je suis jalouse. Et pourtant, tout ce que je touche brûle instantanément.
J'ai peur que la malédiction qui m'accable, d'un flamboiement maléfique, ne l'atteigne et la consume. Je crains pour sa peau d'une blancheur de glace : la neige ne fond après tout jamais plus vite que lorsqu'elle est exposée aux oriflammes de l'enfer.
J'aime éperdument la délicatesse de la dance des flocons, valse lente au mille reflets pâles. La saison froide est un bal ravissant... Auquel j'aurais aimé prendre part. Quel dommage qu'il me soit étranger. J'ai voulu pénétrer un monde qui n'était pas le mien, repousser les limites de la vie un peu plus loin que celles du tombeau. Défier ces danseurs qui tournoient en un rondo mortel. Ma prétention n'a décidément aucune limite.
Je me suis souvenue de beaucoup de choses, ces derniers temps, et j'ai réalisé à quel point être au monde n'allait pas de soi. L'abyme finira bien par me happer un jour ou l'autre... Etre faible me rend malade. C'est un sentiment dévorant, dont la morsure est bien plus cruelle que celle du froid.
Ressent-elle ma flamme à moi ? Oh, sa chaleur doit être bien particulière. Une fournaise glaciale, une effervescence de morte, bien incapable d'exalter personne. Je suis jalouse... Comment ai-je pu espérer me dresser aussi longtemps face à l'ordre du monde ? L'infime chaîne azurée qui me rattache à la vie menace de se briser à tout instant.
Je me décidé à détourner les yeux des flammes hypnotiques qui ondulent tout autour de son cœur pour regarder son doux visage. Je découvre mon reflet dans ses yeux, miroir de mon âme. Je m'y vois telle que j'aimerais être. Est-ce mal de n'exister vraiment qu'à travers quelqu'un ?
Je lui souris. Pendant un moment d'un infimité magnifique, j'ai eu le sentiment que nos deux esprits avaient réussi à se rejoindre - et j'ai pu rendre son étreinte au feu intérieur de mon aimée.
Je dois changer, devenir à la hauteur de ce reflet. M'incarner dans cette image, pour de vrai.

- On peut rentrer maintenant ? J'ai un peu froid là.

Je ne me sens pas la force d'avancer. Plutôt que de m'imaginer le pénible chemin vers son logis, je préfère rêver à l’occurrence d'un événement improbable, qui arrangerait les circonstances du destin de telle sorte que nous nous retrouvions directement chez elle. L'imagination me fait vivre. Mais maintenant, il s'agit de survivre. J'ai décidé de m'en remettre à elle, de lui confier ma petite flamme dégénérée en même temps que ma fierté.
Je vais changer.
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Message par Hikaze Nageku Jeu 12 Fév - 19:01

A ma surprise, elle ne surenchérit pas à ma réponse ...

- On peut rentrer maintenant ? J'ai un peu froid là.

Je ne nierai pas avoir moi-même assez froid. L'hiver est une saison peu agréable se par sa température, mais le voile blanc qu'il se permet d'offrir au paysage ne fait-il pas son charme ? Froid et dur, et magnifique à la fois ... N'est-ce pas ainsi qu'elle me décrit ? Moi, l'éternelle statue de glace, froide d'apparence, dure comme la pierre, ne sachant exprimer correctement ce qu'elle ressent, et pourtant plus belle qu'une pierre précieuse polie ? A quoi sert la beauté si ce n'est plaire de façon superficielle aux autres ? Ne faut-il pas un caractère doux afin de plaire au-delà du physique ? Je n'ai jamais douté de mon physique, cependant, ce n'est pas la première fois que ma nonchalance est remise en question ... Si je pouvais m'exprimer de façon plus sincère, quitte à ne pas pouvoir garder mes grands airs, ne serait-ce qu'envers elle, cela nous aurait-il permis de ne pas en arriver là ?
Je me surpris moi-même à penser un peu trop haut ce à quoi je réfléchis. Je regarde le corps de Shû que je porte entre mes bras afin de vérifier qu'elle se soit bien endormie, de peur qu'elle n'entende mes élucubrations .... Et elle semble bien dormir. Par précaution, j'approche mon oreille de sa poitrine afin de vérifier que son coeur bat encore ... Ce qui est le cas. Soulagement.

- Pourquoi t'es-tu autant entêtée à vouloir vaincre l'hiver, toi qui n'est qu'une tête brûlée, incapable de survivre par de telles températures ? Je comprends que l'on veuille profiter de cette saison, mais quand on ne peut pas, on ne force pas !

Je ne sais pourquoi je lui pose la question, alors qu'elle dort. De plus, pourquoi continuer à la gronder ainsi après tout cela ? Je dois avoir un instinct protecteur et maternel un peu trop développé malgré ce que l'on dit. Elle peut vraiment se vanter d'être la seule au monde à me mettre dans de tels états. Beaucoup paieraient cher pour me voir porter une autre expression que celle que j'affiche quotidiennement. Un léger sourire, ou la neutralité complète. Me voir rire aux éclats, m'insurger, m'emporter, me plaindre ? Qui pourrait imaginer que j'en sois capable ? J'en viens parfois à me le demander moi-même. Et pourtant, cette petite est capable de tout me faire faire. C'est aussi pour cela que je suis autant attachée à elle. Elle doute certainement d'elle quant à moi, mais elle est capable de beaucoup de choses, et tout ce dont elle a pu m'apporter dépasse ce qu'elle peut imaginer. La plus intelligente et douée des idiotes marmonnais-je.

Perdue dans mes pensées, je me rendis compte que notre destination n'était plus qu'à quelques dizaines de mètres devant moi.

- Ho, enfin, la douce chaleur du foyer m'envahit déjà ... Bon retour chez soi !

Le contraste de chaleur lorsque je passa je pas de porte fut presque une bénédiction. Après avoir déposé la pauvre Shû sur le divan du salon, je m'empresse d'aller allumer un feu de cheminée, aussi bien pour elle que pour moi .... Ainsi que de préparer du thé. Autant lui laisser le temps de reprendre ses esprits tranquillement.
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